Le CVL du lycée François Mauriac de Bordeaux organisait la 4e édition du concours d’éloquence pythique.

L’une de nos élèves, Romane Ducrot en TG08, est arrivée 3e. Voici le récit de son expérience et ses discours.

Le jeudi 15 mai 2025, j’ai eu la chance de participer à la finale de la 4e édition du concours d’éloquence Pythique, organisée par le CVL du lycée François Mauriac. Cette expérience a été, sans exagération, l’une des plus marquantes de mon année.

Pour candidater, j’ai envoyé une vidéo de 3 minutes sur le thème : « La démocratie, une dictature pour les ignorants ? ». Je ne pensais pas être sélectionnée, c’était la première fois que je tentais ce genre de concours. Mais j’ai été retenue parmi les 8 finalistes.

Dès notre arrivée au lycée François Mauriac, l’accueil a été vraiment chaleureux. Nous avons rencontré les finalistes, les membres du CVL, la CPE et la proviseure. On nous avait réservé une salle rien que pour nous, et un repas nous a été offert par le lycée. L’ambiance était détendue, bienveillante, et on a vite créé des liens entre finalistes.

Chaque finaliste avait préparé un discours de 5 à 8 minutes. Le mien portait sur cette phrase : « Que les femmes restent à la cuisine ». C’est un sujet qui m’inspirait beaucoup, étant donné que cela fait partie de l’actualité, de notre quotidien.

Après une visite du lycée, nous avons tiré au sort nos sujets pour l’épreuve d’improvisation. Je suis tombée sur une citation de Disiz : « Qu’ils ont de la chance d’avoir quittés ce monde ». On avait deux heures au CDI pour réfléchir et préparer un discours d’environ deux minutes.Ce n’était pas évident, mais super intéressant.

Nous nous sommes ensuite rendus à la Maison Cantonale, un lieu magnifique, où nous avons eu un temps de préparation en loges. On s’est tous entre-aidés, encouragés. On était tous un peu stressés mais l’ambiance faisait qu’on appréhendais un peu moins. À 18h30, le public est entré, et le concours a commencé.

Le jury était composé de personnalités très inspirantes : Dominique Darbon, directeur de Sciences Po Bordeaux, Benoit Dupin, professeur à Sciences Po Bordeaux, Mathis Louis, coach d’éloquence et de prise de parole en public et notamment formateur à eloquentia, l’ancien vainqueur de l’année précédente, Vincent MAS, Délégué académique à la Vie Lycéenne ainsi que plusieurs enseignants et membres de la communauté éducative. Pouvoir être écoutée par eux, c’était vraiment une chance.

Quand mon tour est arrivé, le stress était là, bien sûr. Mais j’ai réussi à prendre la parole, à transmettre mon message, et à profiter de l’instant. Le public était attentif et bienveillant, les finalistes se soutenaient entre eux, et on sentait une vraie cohésion.

À la fin de la soirée, j’ai eu l’honneur de recevoir le 3e prix. J’étais fière de moi, mais ce que je retiens surtout, c’est la richesse de cette journée : les rencontres, les échanges, les rires pendant les répétitions, le respect et l’écoute. C’était une expérience humaine avant tout.

Participer à ce concours m’a donné envie de continuer à prendre la parole, à m’engager, et à tenter d’autres expériences comme celle-ci. Si c’était à refaire, je le referais sans hésiter. Et si jamais vous hésitez à participer à ce type d’évènement, n’hésitez pas, lancez-vous !!

Romane Ducrot

Discours : « La démocratie, une dictature pour les ignorants » (vidéo de 3 minutes)

« La démocratie, c’est le pouvoir pour le peuple, par le peuple. Mais rien n’interdit que le peuple soit bête ». Cette citation aussi provocante que choquante met pourtant le doigt sur une vérité qui dérange : vivons-nous dans une démocratie où le peuple, croyant être libre, n’est qu’en réalité le spectateur d’un pouvoir qu’il croit exercer ? Depuis mon plus jeune âge, on m’enseigne que la démocratie est une forme de gouvernement exemplaire, un idéal. Un idéal de souveraineté, de liberté, de responsabilités, mais aussi de savoir. Car sans savoir, la démocratie devient un leurre et le peuple, un spectateur de sa propre erreur. Mais plus je grandis, plus je me rends compte que la démocratie n’est qu’en réalité une douce dictature, difficile à cerner pour les gens qui ne sont pas suffisamment informés.
J’ai toujours été dans un environnement où la politique était au centre des discussions, ou chacun donnait son opinion, persuadé de ses idées. Spectatrice de ce théâtre, j’ai appris à forger mon opinion et à comprendre les enjeux de la démocratie, de notre liberté, de nos responsabilités. Mais j’ai grandi, et je n’étais plus spectatrice de ces débats, mais celle qui observait le monde qui l’entourait. Celle qui, au fur et à mesure, a vu une autre tournure de la réalité. Cette réalité où la naïveté n’a plus sa place.

J’ai 17 ans et j’ai toujours voulu garder cette éducation que l’on m’a transmise.Mais quand on grandit, on est plongée dans une peur, une frustration, une manipulation difficile à discerner. Et quand on décide de ne pas y plonger, on finit par observer des ignorants, qui nous mènent vers des valeurs qui fondent le principe même d’une dictature.
Car j’ai observé des gens se laisser manipuler par des idées simplistes, des promesses vides de politiciens qui n’en connaissaient rien. Des gens qui votent sans comprendre, ou qui choisissent de ne plus voter, dépassés par le sens profond de la politique. Prenons les élections européennes : la majorité s’est abstenue, les extrêmes ont pris le dessus, et on m’a dit que « l’arrivée aux extrêmes était le choix du peuple». Un choix ? Est-ce réellement un choix que de voter pour des gens qui utilisent l’ignorance du peuple pour mieux gouverner ?
La politique n’est pas un simple jeu de pouvoir, c’est ce qui façonne notre avenir. Si on ne s’y intéresse plus, qui reste pour défendre la démocratie ? Ceux qui jouent sur nos peurs et sur nos ignorances. Ceux qui manipulent les masses. J’ai 17 ans et jamais je n’aurais cru que certains de mes proches finissent par se désintéresser de la politique parce que c’est « trop compliqué » ou « que ça n’a plus aucun sens ». Jamais je n’aurais cru entendre certains soutenir des idées simplistes, extrémistes, amplifiées par les réseaux, par les masses d’informations, en essayant tant bien que mal de dissocier le vrai du faux.
On nous demande de nous informer, de réfléchir, mais comment faire quand les sources sont multiples et parfois douteuses ?

Alors oui, peut être qui serait plus simple de fermer les yeux. Peut-être que je devrais, mol aussi, choisir la facilité, être naïve, et croire que tout va bien. Mais comment rester aveugle quand on sait que notre avenir est en jeu ?

Comme l’a dit Albert Einstein : « Le monde est un endroit dangereux, non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire ». Je suis jeune, certes, mais je ne peux pas me permettre de fermer les yeux. Tout cela m’amène à la question suivante : pour ceux qui choisissent de ne rien savoir, vivons-nous dans une démocratie ou une dictature déguisée ?

Discours : « Que les femmes restent à la cuisine ! » (6-7 minutes en présentiel)

Mesdames, messieurs, chers jurys,
J’ai 17 ans, et j’ai toujours cru vivre dans un monde où l’égalité était une priorité. Du moins, c’est ce que je pensais. Mais un jour, une phrase m’a fait ouvrir les yeux sur une réalité bien plus profonde que je ne l’imaginais. Cette phrase, vous la connaissez tous : « Que les femmes restent à la cuisine ! ». Une provocation ? Peut-être. Une blague ? Pour certains. Une vérité assumée ? Pour trop de gens encore. Et c’est bien là le problème.
J’ai grandi dans un environnement où les filles vont à l’école, où les femmes peuvent voter, travailler, diriger. On m’a appris que je pouvais être ce que je voulais : médecin, avocate, pilote, sportive de haut niveau. Je pensais que les inégalités entre hommes et femmes appartenaient au passé. Jusqu’au jour où j’ai commencé à entendre, parfois subtilement, parfois frontalement, des remarques qui m’ont fait douter. Dans la bouche d’amis, de camarades, sur les réseaux sociaux ou dans certaines vidéos qui cumulent des millions de vues.
Ces propos sont ancrés dans notre culture, dans nos sociétés, où certaines tâches sont encore associées aux femmes comme si elles étaient naturellement faites pour ça. La cuisine, le ménage, l’éducation des enfants: ces rôles, on les a assignés aux femmes depuis des siècles. Et même si les lois évoluent, même si les mentalités changent, ces stéréotypes continuent à se transmettre, souvent inconsciemment, à travers l’éducation, les médias, les traditions. Et cette phrase – « Que les femmes restent à la cuisine » – symbolise à elle seule cette manière de vouloir cantonner les femmes à l’espace privé, de les éloigner du pouvoir, de l’indépendance, de la liberté. Une femme à la cuisine, c’est une femme qu’on éloigne des sphères de décision, de la politique, de l’économie, de la scène publique. Et cette réalité, elle ne concerne pas que la France.
Regardons ce qui se passe ailleurs. En Afghanistan, les femmes ont été écartées de l’éducation, du travail, de l’espace public. Leur simple présence devient une menace pour un régime qui ne veut surtout pas les voir libres. En Iran, des femmes risquent leur vie pour ne pas porter le voile, pour marcher dans la rue, pour revendiquer leur dignité. Aux États-Unis, dans plusieurs États, l’accès à l’avortement a été restreint, remettant en cause un droit fondamental : celui de disposer de son propre corps. En 2025, on assiste à une régression mondiale des droits des femmes. Partout, les discours conservateurs gagnent du terrain. Partout, les stéréotypes reviennent en force. Et si vous pensez que cela ne nous concerne pas, détrompez-vous.
En France aussi, les chiffres parlent. Les femmes gagnent encore en moyenne 15% de moins que les hommes. Elles sont sous-représentées dans les hautes fonctions. Elles sont plus exposées au harcèlement, aux violences, aux jugements. Et souvent, elles doivent prouver deux fois plus pour obtenir moitié moins. Même dans le quotidien, dans les gestes simples, les attentes sont différentes.
Une femme qui ne cuisine pas, on la juge. Une femme qui hausse la voix, on la trouve trop agressive. Une femme ambitieuse, on la suspecte. Une femme qui s’assume, on la décrédibilise. Et dans tout ça, les jeunes garçons sont exposés à des modèles de virilité toxique, où l’homme domine et la femme se soumet. Et ils y croient. Parce que ces discours circulent, se diffusent, se banalisent.
Pourtant, l’histoire nous a montré que les femmes ne se sont jamais contentées de rester à la cuisine.
Elles ont bousculé les codes, parfois dans l’ombre, parfois sous les projecteurs. Marie Curie, première femme à recevoir un prix Nobel. Simone Veil, qui a défendu la loi sur l’IVG malgré les préjugés. Malala, qui a risqué sa vie pour pouvoir aller à l’école. Elles n’ont pas demandé la permission. Elles ont avancé, malgré les regards, malgré les moqueries.
Et même dans la cuisine, certaines femmes ont choisi d’en faire un terrain d’excellence, un espace de liberté, un art. Je pense à Anne-Sophie Pic, cheffe étoilée, qui a imposé son nom dans un monde dominé par les hommes. Je pense à Julia Child, qui a révolutionné la gastronomie. Ces femmes n’ont pas été enfermées dans la cuisine. Elles l’ont conquise. Elles y sont restées par choix, et non par obligation.
C’est ça, au fond, que je veux défendre aujourd’hui : le choix. Le vrai. Le libre. Celui de faire ce qu’on veut de sa vie, sans pression, sans stéréotype, sans assignation. Être une femme ne doit jamais déterminer où l’on doit être. Ce n’est pas une cuisine qui définit notre valeur, ce sont nos compétences, nos rêves, nos engagements. Alors non, je ne veux pas entendre encore une fois que « les femmes doivent rester à la cuisine ».
Non, je ne veux pas qu’on continue à enseigner aux jeunes filles qu’elles doivent être sages, discrètes et servantes. Non, je ne veux pas que les prochaines élections soient l’occasion pour certains de remettre en cause nos droits, en silence, sous prétexte de tradition ou de sécurité.
Nous devons rester vigilants. Parce que les droits des femmes, même lorsqu’ils semblent acquis, peuvent reculer. Et ils reculent déjà. Nous devons nous battre, ici et ailleurs. Pour nous, mais aussi pour celles qui n’ont plus le droit de parler, plus le droit de rêver, plus le droit d’exister. Et ce combat n’est pas seulement celui des femmes. Il est celui de tous. Il est celui des hommes qui refusent la domination. Celui des jeunes qui veulent un monde plus juste. Celui des humains qui ne veulent plus qu’on enferme, qu’on étiquette, qu’on réduise.
Alors oui, si une femme veut être cheffe étoilée, qu’elle le devienne. Mais qu’on lui laisse aussi le droit d’être pilote, architecte, ingénieure, présidente, ou même astronaute. Et surtout, qu’on ne lui dise plus jamais où est sa place. J’ai 17 ans, et je ne comprendrais jamais pourquoi les femmes ont toujours été sous représentées dans nos sociétés. J’ai 17 ans, et je sais que nos droits, nous les méritons autant que ceux des hommes. Aujourd’hui, si certaines préfèrent baisser les bras, et accepter leur sort, voire même être en accord avec ce patriarcat, et bien d’accord. Mais pour un monde meilleur, je me battrais sans cesse pour cet égalité, pour le combat de nos grand-mères, pour le combat de nombreuses héroïnes, pour le combat de femmes qui osent défier les lois, qui osent hausser la voix, pour toutes ces jeunes filles et femmes tout au long de l’histoire qui se sont battues.
Ni les politiciens, ni les puissants ne forceront la soumission. La liberté est un droit, et personne ne pourra nous l’arracher. Comme le disait Simone de Beauvoir : ‘On ne naît pas femme, on le devient.’ Et tant que nous serons là, personne ne nous dira où est notre place, ni ici, ni ailleurs, ni dans la cuisine.

Merci

Discours improvisé : « Qu’ils ont de la chance d’avoir quittés ce monde » (1 minutes 30 à 2 minutes en présentiel)

« Qu’ils ont de la chance d’avoir quitté ce monde ». Une phrase qui semble paisible, presque facile à dire mais qui fait souffrir. Je suis persuadée, qu’ici dans cette salle, on a tous déjà entendu cette pensée fatale. Mon papi est parti avant que la mémoire s’efface. Avant que ses souvenirs ne disparaissent à jamais. Avant qu’il oublie mon prénom, nos souvenirs, nos passions. C’est à ce moment -là que j’ai réalisé. Réalisé qu’il valait mieux qu’il parte à tout jamais. C’était une douleur pour nous, oui mais un soulagement pour lui. Et, parfois, j’y pense pour moi aussi. Je me dis que fuir serait plus simple que tenir. Parce que les émotions sont dures à encaisser- la douleur, la peur, la tristesse qu’on ne sait plus nommer. Quand un drame tombe à la télé, quand la terre brûle et qu’on nous demande juste d’économiser. Quand un attentat frappe ou qu’une loi nous vole nos droits. Je me sens petite,noyée, écrasée par tout ça. Ce n’est pas le fait que je ne veux plus vivre. Mais c’est juste que, parfois, je ne sais plus comment faire. Parce que tout s’accumule : les cris, les guerres, la montée des extrêmes. Et parfois, je me demande à quoi bon rester là ?
Mais je pense à lui, à son courage, à sa bonté, à tout ce qu’il m’a transmis.
Et je me dis que même si le monde fait mal. Je veux le regarder en face même quand tout semble fatal. Je veux vivre pour ceux qui le peuvent plus. Je veux porter leur combat même quand tout me dépasse un peu.
Parce qu’il a eu la chance de partir. Mais moi, j’ai encore la chance de construire.
MERCI »

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